La Rue

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Date de parution 18 mai 2017 | Archivage 14 juin 2017
Belfond | Vintage

Résumé

À Harlem, dans les années 1940, une jeune mère célibataire noire se démène pour offrir à son fils, Bub, une vie digne de ce nom.

En approchant de sa station, elle se disait qu’elle n’avait pas peur de la rue, ni de son influence. Elle était décidée à les combattre. Des rues comme la 116e, réservées aux nègres ou aux mulâtres – avec tout ce que cela signifie – avaient fait de Pop un vieil ivrogne timide et tué Mom quand Lutie était encore tout bébé.
Dans cet immeuble où elle habitait actuellement, c’était aussi la rue qui avait amené Mrs. Hedges à faire de sa chambre un bordel.
Et le concierge, la rue l’avait maintenu dans les bas-fonds, loin de l’air et de la lumière, jusqu’à ce que l’horrible obsession de la chair l’ait dévoré. Et c’était encore la rue, ou d’autres semblables, qui avait conduit Min, la femme qui vivait avec lui, à cet état d’atonie et de molle résignation qui la faisait ressembler à une lavette humide. Mais rien de tout cela ne lui arriverait à elle, Lutie, parce qu’elle avait la volonté de lutter sans relâche.

Un premier roman poignant, par une auteure injustement oubliée dans l’héritage du Harlem Renaissance, un véritable morceau de bravoure vendu à plus d’un million d’exemplaires lors de sa parution aux États-Unis, en 1947.

À Harlem, dans les années 1940, une jeune mère célibataire noire se démène pour offrir à son fils, Bub, une vie digne de ce nom.

En approchant de sa station, elle se disait qu’elle n’avait pas peur de...


Formats disponibles

FORMAT Grand Format
ISBN 9782714475145
PRIX 18,00 € (EUR)

Chroniques partagées sur la page du titre

Dans le New York des années 40, cette rue dont nous parle Ann Petry est la 116e, dans le quartier de Harlem, une rue réservée aux nègres ou aux mulâtres, synonyme de peur, de dangers et de mauvaise influence.
Y habiter, pour Lutie, le personnage principal du roman, c’est déjà une victoire en soi. Pouvoir subvenir à ses besoins, élever son fils Bub, loin de l’influence de son père et de sa copine. Elle prend donc la seule chambre qu’elle trouve et qu’elle puisse se permettre, rêvant d’un jour où ayant un meilleur travail et ayant économisé assez d’argent, elle pourra donner à Bub une vie meilleure. Lutie est une battante. Elle ne veut pas se laisser gagner par l’atonie ou la molle résignation. Mais malgré toutes ses tentatives pour aller de l’avant dans ce monde sans vendre son âme, elle ne peut se battre contre les forces qui l’opprime.

Ann Petry décrit très bien les conditions de vie difficiles dans ce Harlem. Tout contribue à accentuer le ressentiment de noirceur et d’insécurité de la rue, personnage à part entière, que ce soit les forces naturelles et les autres protagonistes, habitants de l’immeuble et autres qu’elle va rencontrer.

« Mais le silence était plus fort même que les paroles. Il était là assis à côté d’elle. Il la suivait partout. Dans la rue, elle croirait peut-être s’en être débarrassée. Ce serait une erreur. Il marchait tout simplement plus vite qu’elle, et, en ouvrant la porte de son appartement, elle le verrait venir à sa rencontre. Insaisissable. Impalpable. Mais présent. Toujours présent. »

« Et le vent recommençait sans se lasser, jusqu’à ce que les passants soient forcés de s’arrêter et d’arracher le journal. Il s’attaquait alors à leur chapeau, les étranglait avec leur écharpe et s’engouffrait dans leurs vêtements. »

L’auteure tente aussi d’expliquer les difficultés existentielles des gens de couleur et des femmes en particulier en analysant les habitudes comportementales des Blancs vis-à-vis d’eux, des Blancs qui avaient érigé en dogme leur supériorité sur les Noirs.

« Ce devait être une réaction automatique chez les Blancs. Si une jeune femme était de race noire et suffisamment attirante, c’était de toute évidence une catin. Ou si elle n’en était pas exactement une, c’était du moins facile de coucher avec elle, il suffisait de le lui demander. D’ailleurs, les hommes blancs n’avaient même pas à se donner cette peine, la fille le leur demandait elle-même.
Cela l’irritait davantage au fur et à mesure qu’elle y pensait. Certainement, ils ne savaient rien de la grand-mère qui l’avait élevée, et qui répétait toujours avec la régularité d’une horloge :
- Lutie, baby, ne laisse pas les hommes blancs te toucher. Ils courent toujours après les femmes noires. Comme si ça les rendait malades de ne pas coucher avec elles. Ne les laisse pas porter la main sur toi. »

« Les Blancs regardaient avec mépris les Noirs qui les dépassaient en voiture. Un moment, un bref instant, en laissant le Blanc loin derrière sur la route, le Noir pouvait se sentir son égal et même son supérieur. Après avoir risqué sa vie dans les virages et escaladé les montagnes, il se sentait la force d’affronter le monde qui ne voulait pas l’adopter et qui le rabaissait systématiquement. Quand il dépassait l’auto d’un Blanc, le Noir se sentait victorieux, et le sentiment de sa victoire lui permettait de porter la tête haute pendant au moins deux jours. Et les Blancs détestaient cela, car ils avaient besoin eux aussi d’affirmer leur supériorité. »

« Partout les femmes avaient à travailler pour entretenir leur famille, car nulle part les hommes ne trouvaient de travail. Ils s’ennuyaient et sortaient. Les enfants restaient seuls, sans foyer, car personne ne pouvait en former le cœur. Oui. Partout les gens étaient trop pauvres pour faire autre chose que travailler, et leur force physique était leur seule source de revenus ; pour vivre, ils ne pouvaient compter que sur elle. C’est ce qui vieillissait prématurément les femmes. »

Dans ces conditions, la noirceur s’amplifie au fil des pages. Lutie est acculée vers un destin qu’elle n’arrive plus à contrôler.

Bien que publié en 1946, il est regrettable de constater que, septante ans plus tard, cette suprématie des Blancs sur les Noirs reste encore bien ancrée dans certaines contrées, avec des conséquences qui font l’actualité.

La Rue d’Ann Petry est une exploration magnifique et brutale des difficultés et obstacles auxquels doit faire face une jeune mère, noire et célibataire, dans le Harlem des années 40, en faisant tout son possible pour améliorer la vie de son fils.
Loin d’être joyeux, c’est plutôt un roman noir qui vaut la peine d’être lu.

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Frotter la vie, gratter l'espoir, faire briller l'existence derrière une couche de misère indélébile. Lustrer les rêves pour cacher la ternissure quotidienne qui s'incruste sur la peau, glue les hardes. Exsuder cette négritude malsaine, sectaire, la désencrasser au savon et à l'eau, fuir l'impécuniosité, l'alcoolisme, l'hétéronomie et la rue; cette rue qui « suintait le crime ». Être noire aux États-Unis en 1944, un asservissement, être noire à Harlem en 1944, un engloutissement.

Lutie Johnson a perdu la force de se plaindre, de se résigner. Elle fuit un mari qui l'a délaissée, un père qui se perd entre alcool et femme. Tente de s'ensauver de cette situation, de cette indéclinabilité, soupire à un avenir radieux, s'enivre de doux fatum pour elle et son fils. Mais être noire en 1944, en pleine dépression c'est se réveiller avec les miasmes de la peur sur les draps, la hantise de la puissance néfaste de la rue, la misère défigurant les murs. En entrant dans la 116ème rue, Lutie pense offrir un peu de liberté, une éducation pour son fils Bub mais derrière les escaliers, les portes, les souffrances et les perversibilités vocifèrent insidieusement. Entre résilience et compromission, les chemins sont ténus dans les avenues de Harlem. La rue offre un asile précaire face aux fantômes de l'Histoire, aux métaphores de l'oppression. Dans l'ombre de l'étrange Mrs Hedges et du sournois concierge, Lutie essaie de tracer son destin dans l'enfer new-yorkais.

Ann Lane Petry nous livre un portrait enténébré de son Harlem. Une rue, un quartier qui grouillent de vie, de misère, de violence, de fatalité. Des êtres sans perspectives, mus par l'instinct de survie, aux veines perversement viciées, où l'avenir s'écrit au présent ancré dans les frontières de la couleur de peau. Un roman entre huis clos et folie, où chacun distille ses rancœurs de la vie et de la solitude, du racisme et de la pauvreté. La rue décrit une sombre réalité toujours présente même si Harlem s'est métamorphosé, des conditions qui persistent inlassablement. Ann Petry nous rappelle que « ceux qui refusent de regarder la réalité – appellent leur propre destruction – tout simplement » (James Baldwin, Chroniques d'un pays natal).

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