Le Caillou noir

Ce sont les derniers jours de sa mère et la narratrice serre dans sa main un caillou noir qu’on lui a donné. Venu de la mer d’Aral, il l’aide à traverser cette épreuve et, sans croire vraiment à ses soi-disant pouvoirs magiques, elle constate qu’il lui permet de retrouver tout un monde, celui de la mère, issue d’un milieu paysan modeste, et qui disparaît avec elle. Source de réconfort, le caillou noir jalonne le texte, à la fois portrait d’une mère mais aussi récit d’un deuil : il balise le chemin des émotions comme celui des souvenirs.

Les moments passés aux côtés de la mère à l’Ehpad, puis sa mort, font remonter le passé, qui se confronte au présent. Le contexte des soins palliatifs et de l’Ehpad donne lieu à des scènes parfois crues, souvent émouvantes, la violence des sentiments est balancée par un regard clinique sur les corps et sur la vieillesse, sans complaisance ni voyeurisme. L’auteur nous offre aussi des portraits lumineux de soignantes, rappelant que la mort reste une affaire de femmes. Les derniers jours de la mère sont aussi l’occasion de reconsidérer les relations mère-fille, faites d’intimité, de différences, de secret et de dépendances.

Dans ce récit Nathalie Piégay poursuit par une autre voie la démarche d’Une femme invisible : portrait d’une femme dont la trajectoire est marquée à la fois par le courage et la discrétion. Pourquoi écrire sur celles qui n’ont pas été des héroïnes mais plutôt des invisibles ? Précisément pour qu’elles échappent à l’oubli et que l’écriture leur rende une présence sensible. 

Nathalie Piégay vit entre Paris et Genève, où elle enseigne la littérature française moderne et contemporaine.