Il existe, partout dans le monde, des veilleurs et des veilleuses, des résistant.es de l'ombre, qui à titre individuel, œuvrent pour plus d'humanité aux frontières et de respect pour les morts.
Si vous en croisez un ou une écoutez ce qu'il ou elle a à vous raconter, et ne laissez pas l'histoire mourir entre vos mains."

À travers leurs voix, Taina Tervonen se fait l’écho de ce dont ils sont témoins : des hommes, des femmes, des enfants disparaissent sans laisser de traces, dans l’indifférence totale. Alors que la presse se désintéresse du sujet et que les États ferment les yeux, elle livre un récit nécessaire pour attirer l’attention sur l’ampleur de la catastrophe en cours à nos frontières. Les Veilleurs sont les portraits de ces citoyens porteurs d’espoir qui agissent et documentent ce que personne ne veut voir.


J'ai trouvé cette lecture très rude, j'ai été à la fois dévasté par les constats qui sont relatés et également en colère face à l'inaction des Etats.
Rude, car le livre traite d'un sujet qui est connu de tous, mais à travers les yeux de personnes directement impliquées. Le livre documente et dévoile une vérité.

Une vérité dévastatrice, celle de milliers de personnes qui tentent une traversée qui, pour la plupart, va leur coûter leur vie. Il en résulte pour les familles alors, un terrible moment : celui du doute. Mon fils est-il encore en vie ? Le bateau est- il arrivé ? Cela fait un an et nous n'avons toujours pas retrouvé le zodiac..

Enfin, s'il y a une chose qui a m'a vraiment marqué et mis en colère c'est l'inaction des Etats. Face à des vies humaines en péril, beaucoup préfèrent fermer les yeux. Les états se renvoient la balle : "le bateau n'est pas dans nos eaux, ce n'est pas à nous d'intervenir". Parfois, les bateaux de sauvetage sont envoyés plusieurs jours après le naufrage, parfois, ils font demi-tour sans raison, parfois, ils n'interviennent même pas.

Le travail de Taina Tervonen permet de mettre en lumière des événements qui se déroulent sous nos yeux. Elle met en évidence le travail acharné d'êtres humains qui vivent dans l'ombre, mais qui œuvrent jour après jour pour tenter d'aider des familles entières.

Portraits d'hommes et de femmes citoyens qui consacrent leur vie à aider celle des autres, tout particulièrement les migrants qui s'echouent et se noient tous les jours à cause de bateaux trop pleins, mal conçus, de capitaines qui ne connaissent pas la mer. C'est absolument révoltant. Ici, 5 vigies font leur possible pour alerter les secours, donner des réponses aux familles qui ont perdu des proches. Un texte très dur à lire par son sujet et en même temps qui apporte de la lumière sur tous les rouages entre États des migrants.

Taina Tervonen est journaliste et part à la rencontre de Marie Dupont, Saliou, Maria, Hervé et Marie Cosnay. Cinq personnes avec qui elle est contact à travers son travail journalistique et qu'elle appelle les "Veilleurs". Ils sont en permanence en lien depuis chez eux avec les bateaux de migrants qui partent des côtes libyennes, tunisiennes ou marocaines. Des femmes, des enfants et des hommes qui tentent de rejoindre l'Europe. Comme des vigies, ils et elles alertent les garde-côtes en donnant les coordonnées des embarcations en difficulté, en donnant la météo marine en amont ou en aidant les proches à rechercher des disparus. Comme un réseau informel qui s'est créé petit à petit, ils créent du lien là où ce lien peut sauver des vies. Taina Tervonen donne la parole à ces cinq vigies en rendant visible leur travail de l'ombre si important. Chacun et chacune parlent de leurs actions et donnent à voir des politiques détachés des réalités. Des politiques qui ne réalisent pas les conséquences réelles de leurs décisions comme lorsque l'agence Frontex rend les traversées plus dangereuses par ses actions. "Les Veilleurs" relais des voix qu'il faut entendre, des portraits marquants de citoyens engagés.

extrait : « Cette phrase me restera longtemps dans la tête. Elle continuera à résonner sur tout le chemin du retour, et pendant des jours après : les liens nous sauvent. Ils sauvent ceux qui les nouent et ceux pour qui on les noue. Il n’y a peut-être que ça qui peut nous sauver : le lien aux autres. »

#netgalley #netgalleyfrance

De temps à autre, il est question dans l’actualité d’un énième naufrage de bateau de migrants en Méditerranée ou quelque part entre les côtes africaines et les îles Canaries.

Pourtant, ce qui apparaît dans les médias ne représente que la partie émergée d’un iceberg qui semble en constante expansion. Taina Tervonen explique que « La migration est devenue un sujet de plus en plus difficile à aborder dans la presse, et les médias rechignent à financer des enquêtes au long cours, coûteuses et chronophages. Que des gens meurent en mer n’a rien d’un scoop. C’est devenu le cours normal de la vie, une actualité qui ne mérite presque plus d’être chroniquée. Il n’y a guère que le spectaculaire qui suscite encore l’attention : un naufrage particulièrement meurtrier, suffisamment proche des côtes européennes, mettant en cause des responsabilités européennes, comme cela a été le cas pour le naufrage de l’Adriana en juin 2023, au large des côtes grecques. Plus de 600 personnes ont péri ce jour-là, suite aux manœuvres des garde-côtes grecs tentant de remorquer le bateau pour l’éloigner des eaux territoriales du pays ».

Pour éclairer sous un autre angle ce sujet banalisé en Europe, l’autrice, également journaliste, a décidé de dresser le portrait et de restituer les récits de cinq veilleurs, cinq hommes et femmes, en France, en Espagne, au Sénégal qui, à distance, aident les candidats à la traversée. Via le bouche à oreille et les réseaux sociaux, ils ont peu à peu construit un réseau informel d’entraide. Quand une traversée se décide, ils fournissent aux migrants les prévisions météo puis, une fois le bateau en route, ils suivent son trajet et restent en contact téléphonique avec une personne à bord jusqu’à l’arrivée au port ou des secours, ou jusqu’au drame. Ils alertent les garde-côtes en cas de naufrage. Et quand un bateau disparaît des radars, ils sont contactés par les proches des passagers pour tenter de retrouver leurs traces.

Avec eux, Taina Tervonen a été témoin, depuis son salon, de l’horreur (« J’ai entendu un de ces appels de détresse, quatorze secondes de terreur condensée, des cris, « on est en train de mourir », un enfant en arrière-plan qui hurle comme un enfant qui a compris que les adultes ne sont plus maîtres de la situation. »), qui se déroule dans l’indifférence générale des médias et des gouvernements. Pire, c’est aussi le cynisme de ces derniers qui contribue à empiler les cadavres sur les fonds marins. Par exemple, les garde-côtes espagnols ne peuvent/veulent intervenir hors de leurs eaux territoriales, alors que parfois ils sont bien plus proches du bateau en danger que leurs homologues marocains…

Au-delà de l’aide directe aux migrants ou à leurs familles, les veilleurs font aussi œuvre documentaire : ils tiennent une comptabilité aussi rébarbative que morbide : des registres avec des noms de bateaux, des dates, des nombres et des noms de personnes à bord, hommes, femmes, enfants, arrivés à bon port ou portés disparus…

Dans son livre, Taina Tervonen met en lumière quelques-uns de ces êtres qui n’ont renoncé ni à l’humanité ni à l’espoir, et qui résistent dans l’ombre pour qu’on n’oublie pas ceux et celles qui meurent échoués à nos frontières.

Un livre plus glaçant que les eaux de l’Atlantique en plein hiver, et nécessaire. « …il existe, partout dans le monde, des veilleurs et des veilleuses, des résistant.es de l’ombre qui, à titre individuel, œuvrent pour plus d’humanité aux frontières et de respect pour les morts. Si vous en croisez un ou une, écoutez ce qu’il ou elle a à vous raconter, et ne laissez pas l’histoire mourir dans vos mains ».

Les veilleurs, c'est un très beau récit, c'est une très belle histoire, mais elle ne touchera que ceux qui voudront être touchés, les autres n'en auront strictement rien à faire. Ah certes, peut-être, je dis bien peut-être mettront-ils le nez dedans, je n'y crois pas du tout. Qui cela peut intéresser un groupe de veilleurs, un groupe de personnes qui s'intéressent à ceux qui prennent la mer, à ceux qui fuient ? Parce qu'il ne faut pas oublier que si là-bas la vie était merveilleuse, ils ne fuiraient pas. Ce groupe de personnes, toutes les nuits, ou presque, sont prêts à écouter des personnes qui vont mourir, des personnes qui savent qu'ils risquent de mourir, cela intéresse qui, je vous le demande franchement ? Des veilleurs, ce sont des personnes qui sont prêtes à compter aussi le nombre de morts, le nombre de personnes qui meurent. Le vrai compte, attention, pas seulement les corps retrouvés, ce qui ne veut strictement rien dire, mais ceux qui ont disparu en mer, qui sont partis et ne sont jamais arrivées. Des personnes qui aident aussi les familles à retrouver les leurs, à mettre des noms sur les corps, ou, dans de très très rares cas, à retrouver un survivant. Force à eux, force à ces hommes et ces femmes qui bravent l'inaction des pouvoirs publics, l'indifférence quasi généralisée, le désespoir aussi qui peut vous prendre quand vous êtes celui ou celle qui veille, celui ou celle qui entend, celui ou celle qui veut faire entendre la voix de ceux que l'on écoute pas. Qui cela intéresse ?

Vous qui passez sur ce blog, peut-être.

Je salue le courage de ces veilleurs qui se confrontent quotidiennement à la détresse humaine, parce que je vous le dis franchement, je ne l'aurai pas.

À lire absolument pour donner une voix à ces personnes de l'ombre. Des êtres humains comme vous et moi qui choisissent de se battre pour les valeurs humaines.
Peu importe d'où elle vient, si une personne est en détresse, on l'aide. Les cinq veilleurs qui occupent chacun un chapitre du livre témoignent, alertent, mettent en contact pour aider ces bateaux perdus entre deux frontières. Pour les familles des naufragés aussi.
C'est un livre qui malmène (mais pas autant que ceux qui essayent de traverser dans des conditions terribles) mais qui donne de l'espoir également.
Et qui donne envie d'agir.
Merci à ceux et celles qui veillent.