L’ultime diptyque de l’auteur du Piège est le plus paradoxal des romans d’évasion
Prisonnier de guerre dans le camp de Biberbrach, où lui et ses camarades de baraquement ont été conduits au terme d’un voyage de douze jours dans un wagon à vaches, le narrateur de Départ dans la nuit a plusieurs fois tenté de s’évader ou de se faire hospitaliser, en vain. Velléitaire comme tous les antihéros de Bove, il hésite à se rebeller par crainte des représailles. Et s’il finit, à la faveur d’un transfert dans un autre camp, par mettre son plan à exécution en entraînant des camarades méfiants et réticents, assassinant au passage deux sentinelles allemandes, il y gagne moins de liberté qu’un surcroît d’angoisse, de solitude et de désœuvrement…

« Roman d’initiation à la solitude et à la mort », selon son biographe Raymond Cousse, Départ dans la nuit, écrit à Alger en 1943 et dédié au général de Gaulle, forme un diptyque avec Non-lieu, écrit durant l’été 1944. Dans cet ultime roman, le narrateur, ayant fini par rejoindre la France occupée, erre sans espoir dans un pays avachi par la débâcle de 40, parmi ses proches et ses compatriotes indifférents. Son fantasme de grandeur et d’héroïsme se mue en fuite et le conduira au-delà des Pyrénées, dans l’Espagne de Franco… Le livre s’achève sur l’ultime phrase écrite par Bove : « Deux gardes espagnols s’approchaient de moi. Je savais qu’ils allaient me conduire en prison mais cela m’était égal : j’étais libre. » La boucle est bouclée…