Les rancoeurs et la terre

Transom Shultz a disparu ! Branle-bas de combat à Fallen Mountains, notamment du côté du Shérif qui se dit que l’affaire va être compliquée ! Car Transom n’est pas un simple citoyen. On lui a fait du mal, il en a fait également et nombreux sont ceux qui voudraient sa perte…

C’est dans un contexte étouffant que démarre cette histoire. Nous la suivons à travers les pensées de Red, le Shérif, qui, à l’annonce de la nouvelle, a eu les souvenirs qui sont remontés à la surface. Le scénario est bien ficelé, très agréable à lire. Le récit alterne entre le « avant » et le « après », c’est-à-dire entre le passé du disparu et l’enquête elle-même. J’ai passé un très bon moment de lecture.

Je tiens à remercier NetGalley ainsi que les éditions Buchet-Chastel pour cette belle découverte.

« Les rancœurs et la terre » est le premier roman de Kimi Cunningham Grant. Il a été écrit avant « Le silence des repentis », mais publié après celui-ci aux éditions Buchet Chastel. Il pourrait se pitcher en quelques lignes. Deux espaces-temps, avant et après. Le destin d’une ferme, avant et après. L’amitié entre deux hommes avant et après. L’histoire personnelle et professionnelle d’un shérif avant et après. Et surtout, le temps avant une disparition et celui d’après. L’écrivaine met le focus sur cet événement, la disparition d’un homme, et elle narre les événements passés et les choses entreprises après pour le retrouver. Un scénario qui peut sembler extrêmement simple, mais il nécessite une véritable maîtrise du suspens, un soin particulier à installer l’atmosphère et l’art de parler des relations humaines. Dans « Les rancœurs et la terre », Kimi Cunningham Grant s’appuie sur un lieu, une ferme, où les souvenirs côtoient des réalités plus difficiles et sur des personnages forts humainement.

Trois personnages tiennent le roman : Red le shérif de la ville proche de la retraite, Chase et Transom Shultz. Chase a été élevé par ses grands-parents. Ses parents se sont tués dans un accident de voiture alors qu’il était très jeune. Il a toujours vécu dans cette ferme dont il a appris à prendre soin grâce aux conseils de son grand-père. Il est très attaché à cette terre qui le nourrit et lui apporte l’apaisement, la nostalgie et la paix malgré les efforts qu’il doit fournir pour la maintenir à flot. À la mort de son grand-père, son ami de toujours Transom réapparaît. Il avait quitté la petite ville de Fallen Mountains (titre original du roman) sans prévenir qui que ce soit. Il revient comme s’il n’était jamais parti. « Les rancœurs et la terre » explore les émotions d’un homme intrinsèquement uni à sa terre, dissèque les intentions d’un autre pour lequel celle-ci n’a aucune importance, et dévoile peu à peu les secrets intimes d’un troisième.

La ferme est un lieu emblématique chargé de photo-souvenir, de sensations, de ressentis confidentiels. C’est un lieu dont on a envie de franchir les frontières, de s’asseoir sous son porche pour écouter la nature qui bruisse et regarder le soleil se lever et se coucher. Kimi Cunningham Grant en fait un lieu de paix. Le problème des lieux de paix c’est qu’ils sont habités par les hommes. Car, au milieu de la nature, l’homme peut être enclin à un sabotage permanent. L’amitié qui unit Chase et Transom va permettre à ce dernier de profiter d’une occasion inespérée. Financièrement, la ferme rencontre des problèmes. Naturellement, Transom propose de la racheter en garantissant à Chase qu’elle sera toujours à lui, mais qu’il la fera fructifier. En amitié, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. Comme en amour, il y en a souvent l’un des deux qui aime plus que l’autre. Deux personnalités radicalement différentes, l’un aimant passionnément sa terre, l’autre aimant passionnément l’argent, les choses ne pouvaient pas bien se passer. « Les rancœurs et la terre » raconte plus qu’une divergence d’opinions, et décortique l’énorme fossé entre savoir-être et savoir-faire, promesses et trahisons, préservation et destruction.

Au cœur de cette guerre silencieuse, car entre Chase et Transom il n’y a pas de cris, pas de dispute, pas de bagarre visible, se trouve le personnage de Red, shérif de la ville. « Vingt-deux années de service, et une seule erreur de jeunesse, un seul véritable regret, une affaire mal gérée, des années auparavant. » Au moment où il envisage de prendre sa retraite, Transom disparaît. C’est grâce à ou à cause de cette disparition que Kimi Cunningham Grant entreprend un récit à deux temporalités, entre avant et après. « Les rancœurs et la terre » met en lumière l’histoire de Fallen Mountains des années auparavant, lorsque les deux principaux protagonistes étaient encore des gosses et Red, un jeune shérif. Le sujet central est le devenir de cette terre après le retour de Transom et sa disparition.

Que signifie être intimement connecté à sa terre ? C’est tout l’enjeu de ce roman. C’est ce sentiment d’appartenance ou au contraire de non-appartenance qui génère tant d’émotions. Au passé ou au présent, l’amour et la haine se côtoient, s’imbriquent puis séparent moralement deux êtres unis comme les doigts d’une main. La rédemption, le droit au pardon, le regret infini sont incarnés par un autre personnage. Les liens denses qui unissent chacun d’entre eux, les révélations de leurs vécus communs, les divergences d’opinions permettent de maintenir le lecteur en haleine.

« Les rancœurs et la terre » est clairement un roman d’atmosphère, où la terre rassemble autant qu’elle sépare, source de tous les enjeux et de toutes les vanités. Kimi Cunningham Grant y croque des personnages d’une belle épaisseur en s’appuyant sur cette citation de Faulkner : « Le passé n’est jamais mort. Il n’est même jamais le passé. ». Un roman émouvant, tendre et sensible sur le temps qui passe, et les êtres qui changent portés par leurs vécus ou leurs vieux démons….

Bonjour mes chers déliriens,
Aujourd’hui, je vous parle de «Les rancœurs et la terre » de Kimi Cunningham Grant et c’est aux Éditions Buchet/Chastel .
L’auteure vous propose une histoire somptueuse, une fois encore. C’est un nouveau coup de cœur.
*****
Après mon énorme coup de cœur pour « le silence des repentis », je ne pouvais pas passer à coté de cette sortie. C’est donc plein d’espoir que j’ai commencé cette lecture …. et je n’ai pas été déçue. Il règne toujours dans les histoires de cette auteure une atmosphère de bien-être dans laquelle je me sens enveloppée tel un cocon douillet et que je ne veux pas quitter alors même que ce que nous vivons est très loin d’être une sinécure.
Kimi Cunningham Grant a su, une fois encore, me transporter totalement dans son univers et dans la ville de Fallen Mountains en particulier. Je m’y suis vu arpenter les rues, rencontrer les habitants, découvrir les terres de Chase. Je me suis vu revivre des souvenirs dans la cuisine avec Jack et sa femme. Je me suis vu chérir ces terres dont nous parle Chase, j'ai compris pourquoi il y tenait tant, j'ai compris l'importance qu'elles avaient dans sa vie. Et oui, la magie a encore opéré, et ce pour mon plus grand bonheur.
Pour nous raconter son histoire, l’auteure alterne le présent et le passé afin de nous expliquer ce qui a pu entrainer la disparition de Transom Shultz, un personnage incontournable dans la ville de Fallen Mountains, un homme qui n’a pas fait que des heureux, loin de là. Si certains ont de bons souvenirs avec lui, d’autres en gardent de profonds traumatismes. Ces derniers ont la rancune tenace et les pistes suivies par le sheriff Red vont s’avérer nombreuses car « Le passé n’est jamais mort, il n’est jamais le passé ».
Kimi Cunningham Grant a ce talent de mettre face à face des êtres qui paraissent d’une pureté incroyable, quels que soient leurs actes, et d’autres qui ne semblent exister que pour leur pourrir l’existence. Elle a ce talent d’explorer toutes les facettes de l’être humain. Elle arrive avec brio à faire sortir de chacun de ces êtres ce qu’il y a de pire mais aussi de meilleur. « On ne connait jamais les gens, pas entièrement. Les êtres humains sont bizarres. Ils cachent des choses, ils ont des secrets. Et croyez-moi : nous commettons tous des actes dont nous ne nous savions pas capables, bons ou mauvais. » Elle va nous montrer également qu’un Homme ne peut pas être soit bon soit mauvais, elle arrive à jouer sur une parfaite symétrie grâce à une psychologie parfaitement travaillée. Vous allez en être bouleversés, révoltés, vous allez pleurer.
Les révélations finales ne vous épargneront pas non plus et finiront de vous achever !
Au final, je vous l’ai dit, c’est encore un coup de cœur pour cette auteure au grand talent que je ne peux que, très fortement, vous inviter à découvrir.

Les rancœurs et la terre

Kimi Cunningham Grant
Buchet Chastel
Netgalley

Un coup de cœur, une de mes meilleures lectures de 2023.

« Le passé n’est jamais mort, il n’est jamais le passé «

Jack n’est plus et Chase ne s’en remet pas. Élevé par ses grands-parents, ils étaient tout pour lui. La ferme, les terres qui l’entourent font parties de lui.

Une connexion viscerale.

Mais la gestion de la ferme est au plus bas Chase ne peut assumer.

Transom, son ami, revient à Fallen Mountain au même moment après être parti sans un mot des années plus tôt.

Transom connu pour son charisme, son argent, son égoïsme, n’a pas laissé que des bons souvenirs, mais des traumatisme pour certains, et notamment Possum.

Les deux amis si différents, si éloignés dans les idées se retrouvent avec les souvenirs, et les secrets. Et pour Transom aider Chase est une évidence, il n’hésite pas une seconde à lui racheter sa ferme, tout en promettant à Chase que ce n’est que provisoire, il faut lui faire confiance.

La confiance s’étiole quand les promesses ne sont que du vent. Transom chamboule toute la ferme, les affaires de Jack, il s’approprie ses armes, il vend des parcelles, la terre est retournée, les bois coupés

…Transom disparaît…

Le retour de Transom en a bouleversé plus d’un et le shérif Redifer est le premier à se souvenir, on remonte le temps, sa honte, les mensonges enfouis.

L’autrice alterne le Avant et le Après, on détricote peu à peu les fils de l’histoire, on découvre la psychologie de chacun, une psychologie poussée, fine, bien travaillée, on est au cœur de l’histoire dans la peau de chaque personnage, on ressent les regrets, la peur et la colère.

Un roman d’atmosphère ou l’appartenance à la terre est essentielle, ou celle ci représente un personnage central.

« Sa colère enflait. Il pensait à la ferme à Church Hollow , aux immenses chênes qui se pamaient. Il adorait les champs , les collines, les replis de la terre, le ruisseau… »

Une terre dépouillée, saccagée. Le refuge de Chase, celui de son enfance « Church Hollow » qui absorbait ses peines, ses pleurs et sa tristesse, disparut.

La colère enfle, la colère gronde.

Les remords rongent

Dans cette double temporalités on comprend mieux les rancœurs réveillées par Transom et la Terre omnipresente.

Une vision holistique des personnages sui nous apparaissent dans leur entièreté, ni tout à fait bons, ni tout à fait mauvais.

Fallen Mountain n’est pas si idyllique les morsures du passé persistent.

J’ai eu un attachement au personnage du Shérif Redifer, qui ne peut croire qu’un de ses administrés ne soit un suspect. Personnage touchant, abîmé par ses pensées, sa seule et unique erreur qui le tourmente, cette erreur du passé…

J’ai adoré Chase,timide, aux valeurs et principes d »un autre temps , son attachement tellurique, cette terre qui le réconforte, le poids du passé, sa melancolie des jours heureux.

Une emotion pure.

Et puis Transom, qui a réveillé des sentiments ambivalents, rattrapé par son égo, j’ai à la fois été ebranlée et choquée par les conséquences de ses actions.

Et surtout la ferme là où tout commence, là où tout finit.

La trahison, l’amour, la haine intrinsèquement liés, perfusés au passé, au présent.

L’autrice a su à chaque page diluer une atmosphère de plus en plus lourde, de plus en plus pesante, jusqu’à l’étouffement

Et puis cette fin…salvatrice et logique.

A découvrir, vraiment.

Quand à moi je vais me procurer le silence des repentis🙈

Les gazpilleurs
Kimi Cunningham Grant revisite avec brio le rural noir.
Le décor est bien celui rencontré dans de nombreux thrillers/polars explorant ce genre : ici la Pennsylvanie et plus particulièrement la région de la forêt nationale d’Allegheny. Mais exit les labos clandestins de méthamphétamine : ici, ce sont les compagnies forestières (« déforestières » plutôt) et pétrolières qui sont en toile de fond de cet excellent roman que j’ai lu en quelques heures.
Cinq personnages sont au cœur de l’intrigue : Transom dont la fiancée vient, au comble de l’inquiétude, signaler la disparition à Red, shérif de la petite bourgade de Fallen Mountains ; Chase qui fut le meilleur ami de Transom, Laney qui est amoureuse de Chase mais aussi de Transom, ainsi que « Possum » cousin de Laney qui a été, dans son adolescence, harcelé par Transom. Bien que Transom n’en soit pas à sa première « disparition », Red, à quelques jours de la retraite, se doit d’enquêter et tout le mène à la ferme Hardy que Chase vient d’hériter de ses grands-parents. En grandes difficultés financières, Chase a dû se résoudre à la vendre à Transom. Mais à peine le contrat signé, ce dernier s’est empressé de céder les droits d’exploitation des bois et ceux des sols à de grosses compagnies peu soucieuses d’écologie et encore moins de l’attachement sentimental que Chase portait à ces terres… Une trahison, voilà qui ferait un excellent mobile pour faire disparaître un ami… A moins qu’il ne faille regarder vers d’autres sentiments : la jalousie par exemple, ou encore le désir de vengeance ? Car « Le passé n’est jamais mort. Il n’est même jamais le passé. » (citation de William Faulkner – Requiem pour une nonne).
Sous couvert d’un thriller noir très réussi, l’auteure nous amène à une réflexion profonde sur la famille, l’amitié, l’importance des racines, le deuil.
Ce roman montre aussi les dégâts causés par l’exploitation forcée des terres des Appalaches par les compagnies forestières et minières sans foi ni loi -au point qu’ »on ne pouvait même plus traverser la forêt nationale – la forêt nationale ! (…) il fallait s’arrêter à un point de contrôle, décliner son identité et présenter son permis de conduire » ; dégâts sur l’écosystème mais aussi sur les hommes et les femmes qui vivent sur ces terres, qui font partie de la population « oubliée » par le rêve américain et qui n’ont souvent d’autre choix, pour survivre, que de les céder, abandonnant au passage un peu de leur âme (sur le même sujet ne pas manquer de lire L’ombre de Gray Mountain de John Grisham).
Je remercie infiniment NetGalley et Buchet-Chastel pour cette très belle découverte.
#Lesrancoeursetlaterre #NetGalleyFrance

A Fallen Mountains, la vie s’étire et rien ne se passe. Dans cette petite ville tranquille, le Shérif Red est à deux doigts de la retraite quand une disparition lui est reportée. Transom n’a plus donné signe de vie depuis quelques jours et sa fiancée est inquiète. Red comprend rapidement que l’affaire ne sera pas simple. Transom est tout juste revenu en ville et a racheté la ferme de son ami d’enfance, Chase. Qui avait envie de le voir partir ?

Derrière une histoire simple en apparence, Kimi Cunningham Grant tisse la toile d’un roman riche de plusieurs thèmes. « Les rancœurs et la terre » est une histoire d’antagonismes. Ceux qui existent entre deux éducations (une famille élève un enfant dans l’amour et le respect de ce qui l’entoure, l’autre modèle est plus que bancal), deux mondes (l’un modeste et l’autre puissant), deux temps (le passé et le présent) et finalement deux visions. Mais cela ne sombre jamais dans la caricature : entre le noir et le blanc, le gris est permis. Tous les personnages ont leurs failles, leurs mystères et leurs doutes. Nul n’est naturellement bon ou mauvais.

Après « Le silence des repentis » que j’avais beaucoup aimé (avec une réserve sur sa fin), j’attendais beaucoup de ce nouveau roman. Je n’ai pas été déçue, je le trouve juste du début à la fin. C’est une réussite !